« La plupart des intellectuels laïcs et démocratiques italiens se donnent de grands airs, parce qu’ils se sentent virilement « dans » l’histoire. Ils acceptent, dans un esprit réaliste, les transformations qu’elle opère sur les réalités et les hommes, car ils croient fermement que cette « acceptation réaliste » découle de l’usage de la raison. (…) Je ne crois pas en cette histoire et en ce progrès. Il n’est pas vrai que, de toute façon, l’on avance. Bien souvent l’individu, tout comme les sociétés, régresse ou se détériore. Dans ce cas, la transformation ne doit pas être acceptée : son « acceptation réaliste » n’est en réalité qu’une manœuvre coupable pour tranquilliser sa conscience et continuer son chemin. C’est donc tout le contraire d’un raisonnement, bien que souvent, linguistiquement, cela en ait l’air. La régression et la détérioration ne doivent pas être acceptées, fût-ce avec une indignation ou une rage qui, dans ce cas précis, et contrairement aux apparences, sont des mouvements profondément rationnels. Il faut avoir la force de la critique totale, du refus, de la dénonciation désespérée et inutile. »
Pier Paolo Pasolini, Lettres luthériennes
« Je sais qu’en tapant toujours sur le même clou, on peut faire s’écrouler une maison. (…) L’histoire nous [en] fournit (…) l’exemple : le refus y a toujours joué un rôle essentiel. Les Saints, les ermites mais aussi les intellectuels, les quelques personnes qui ont fait l’histoire sont celles qui ont dit non, et pas les courtisans et les valets des cardinaux. Cependant, pour être efficace, le refus doit être grand, et non petit, total, et non pas porter sur tel ou tel point, « absurde », contraire au bon sens.»
PPP, « Nous sommes tous en danger », dernier entretien