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Le but de l’attaque contre la ZAD : détruire la possibilité de vivre autrement

L’offensive du gouvernement contre la Zad vise à détruire la possibilité de vies alternatives. Et s’inscrit dans une tendance mondiale des classes dirigeantes néo-libérales à imposer un pouvoir fort.

 

2.500 gendarmes mobiles, des véhicules blindés, des hélicoptères, des camions, des bétaillères… ainsi que quelques centaines de CRS à Nantes et à Rennes, pour couvrir l’arrière… la France sera lundi 9 avril en guerre. Contre qui ? Contre quelques deux cents personnes, vivant dans un paysage de bocage où ils font du pain, de la bière, du maraîchage, et bricolent, discutent, lisent, vont et viennent. L’appareil militaire de la France, qui intervient au Mali, en Syrie, en Irak – sans que le Parlement en débatte, contrairement à ce que prescrit l’article 35 de la Constitution -, s’apprête donc à se déployer sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes.

On sait la logique apparente de cette opération que tout être sensé considérerait comme la manifestation la plus aigüe d’un grand délire : après avoir cédé devant une lutte populaire en abandonnant le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement veut signifier sa force en expulsant des « occupants illégaux ». Il méprise les procédures qui encadrent rigoureusement la procédure d’expulsion, il rejette sans discussion la proposition de gestion collective de terres entretenues depuis dix ans par ces occupants, et il n’a pas le moindre projet concret d’utilisation de cette zone à l’écologie unique et préservée précisément grâce à celles et ceux que MM. Macron, Philippe, Collomb et Hulot veulent chasser.

Ce brillant quatuor pourra ainsi, grâce aux images et aux commentaires complaisamment relayés par les médias de MM. Niel, Drahi, Bolloré, Dassault, Lagardère, Bouygues, et tutti quanti, montrer à l’opinion ce que signifie « l’ordre » et indiquer aux divers mouvements sociaux qui bouillonnent dans le pays ce à quoi ils peuvent s’attendre.

Ce qu’ont pour mission d’abattre les 2.500 robocops, c’est la possibilité de vivre autrement

Mais ce n’est pas ce seul effet politique que cherchent M. Macron et ses sbires. La disproportion des moyens employés indique que ce que qui se vit à la Zad menace l’ordre néo-libéral dont ils sont les chantres brutaux : la possibilité d’exister autrement, de chercher la coopération plutôt que la compétition, de s’organiser sans hiérarchie entre les êtres, de régler les conflits sans police ni justice, de partager le commun en harmonie avec ce qu’on appelle la nature, de subsister sobrement, de sortir de l’assujettissement de l’argent… Y arrive-t-on sur la Zad ? On ne peut le dire. Mais on essaye vraiment, et de nombreux faits attestent qu’il y a bien là une magnifique alternative, une fenêtre ouverte dans le mur asphyxiant du capitalisme. Ce qu’ont pour mission d’abattre les 2.500 robocops envoyés par le président banquier, c’est la possibilité de vivre autrement.

Il faut aller encore plus loin. Ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes s’inscrit dans une guerre générale menée par l’oligarchie contre les peuples. L’actualité la plus immédiate vient de nous montrer comment le porte-parole des pauvres du Brésil, Lula, a été emprisonné au terme d’une ahurissante procédure, ou comment l’État israélien tue des manifestants et des journalistes dans la bande de Gaza. Ce ne sont que les derniers éclats d’une vague mondiale continue d’autoritarisme de la part des classes dirigeantes. Presque toute l’Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine, Pérou, Guatemala,…) est passée sous la coupe de régimes durs qui appliquent la recette néo-libérale. En Chine, le président Xi Jinping a récemment renforcé son pouvoir. En Russie, Poutine règne en étouffant toute opposition. Aux Etats-Unis, Trump poursuit sa politique de dérégulation financière et environnementale sans contre-pouvoir réel. En Egypte, aux Philippines, en Pologne, en Inde, dans des dizaines de pays, on retrouve cette combinaison d’un pouvoir fort, défendant les intérêts de l’oligarchie, et détruisant l’environnement au nom de la croissance. De plus en plus, l’Europe évolue vers ce nouveau modèle d’oligarchie autoritaire. C’est en fait une guerre civile mondiale qui se déroule, une guerre que mènent les classes dirigeantes contre des peuples hébétés par la mondialisation, et contre les fractions qui parviennent encore à s’opposer à la stratégie du choc suivie par les capitalistes.

80 tonnes de CO2 par an : les vrais criminels

Un chiffre indique l’enjeu de ce qui n’est pas seulement une lutte sociale, mais bien une guerre à propos de l’avenir de l’humanité sur une planète en proie à une crise écologique historique : les membres du groupe des 1 % les plus riches du globe émettent en moyenne chaque année 80 t de CO2, soit neuf fois plus que la moyenne de la population mondiale (6,2 t). Autrement dit, les plus riches sont les plus pollueurs. Et vue la gravité du changement climatique et de ses impacts prévisibles, on peut dire que ces émetteurs de 80 t de CO2 par an sont véritablement des criminels.

Ce que promeuvent les oligarchies, c’est la possibilité de maintenir un système où elles nuisent à l’intérêt général. Car le coeur de l’intérêt général, en ce début du XXIe siècle, est la question écologique, dont l’issue commande les conditions d’existence de l’humanité. Il est presque ironique que leur attaque du moment vise un lieu où précisément on cherche à trouver des voies pour – entre autres – vivre d’une façon qui n’altère pas le climat.

Voilà pourquoi MM. Macron, Philippe, Collomb et Hulot, qui préservent les intérêts des membres des 80 tonnes par an, sont eux aussi criminels, et voilà pourquoi il faut défendre la Zad.

Hervé Kempf

Source : https://reporterre.net/La-Zad-et-la-guerre-civile-mondiale

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Lire aussi cet appel à faire converger les différentes luttes en cours : En défense de la ZAD, résister à Emmanuel Macron et à son monde

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Ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes illustre un conflit qui concerne le monde entier (Raoul Vaneigem)

«Ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes illustre un conflit qui concerne le monde entier.

Il met aux prises, d’une part, les puissances financières résolues à transformer en marchandise les ressources du vivant et de la nature et, d’autre part, la volonté de vivre qui anime des millions d’êtres dont l’existence est précarisée de plus en plus par le totalitarisme du profit.

Là où l’État et les multinationales qui le commanditent avaient juré d’imposer leurs nuisances, au mépris des populations et de leur environnement, ils se sont heurtés à une résistance dont l’obstination, dans le cas de ND des Landes, a fait plier le pouvoir. La résistance n’a pas seulement démontré que l’État, « le plus froid des monstres froids », n’était pas invincible – comme le croit, en sa raideur de cadavre, le technocrate qui le représente – elle a fait apparaître qu’une vie nouvelle était possible, à l’encontre de tant d’existences étriquées par l’aliénation du travail et les calculs de rentabilité. Une société expérimentant les richesses de la solidarité, de l’imagination, de la créativité, de l’agriculture renaturée, une société en voie d’autosuffisance, qui a bâti boulangerie, brasserie, centre de maraîchage, bergerie, fromagerie. Qui a bâti surtout la joie de prendre en assemblées autogérées des décisions propres à améliorer le sort de chacun. C’est une expérience, c’est un tâtonnement, avec des erreurs et ses corrections.

C’est un lieu de vie. Que reste-t-il de sentiment humain chez ceux qui envoient flics et bulldozer pour le détruire, pour l’écraser ? Quelle menace la Terre libre de ND des Landes fait-elle planer sur l’État ? Aucune si ce n’est pour quelques rouages politiques que fait tourner la roue des grandes fortunes. La vraie menace est celle qu’une société véritablement humaine fait peser sur la société dominante, éminemment dominée par la dictature de l’argent, par la cupidité, le culte de la marchandise et la servitude volontaire. C’est un pari sur le monde qui se joue à ND des Landes. Ou la tristesse hargneuse des résignés et de leurs maîtres, aussi piteux, l’emportera par inertie ; ou le souffle toujours renaissant de nos aspirations humaine balaiera la barbarie. Quelle que soit l’issue, nous savons que le parti pris de la vie renaît toujours de ses cendres. La conscience humaine s’ensommeille mais ne s’endort jamais. Nous sommes résolus de tout recommencer. »

Raoul Vaneigem

 

 

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Les rebelles zapatistes et la construction de l’autonomie

ZapatistesEn 2014, nous avons célébré les vingt ans de l’insurrection zapatiste, laquelle, le 1er décembre 1994, avait stupéfait le monde entier. Deux décennies plus tard, les hommes et les femmes zapatistes sont toujours là et leur rébellion, devenue révolution, construit et défend au quotidien, contre vents et marées -répressifs, un projet de société révolutionnaire qui, en de nombreux points, rappelle ce que prônent les anarchistes depuis plus d’un siècle, à savoir une organisation sociale sans État et un système économique communiste – au sens premier, et noble, du terme. Petit focus sur ce territoire maya en rébellion…

Un peu d’histoire

L’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) est créée le 17 novembre 1983 dans la forêt Lacandone, au Chiapas, dans le sud-est du Mexique. Rattachée aux Forces de libération nationale (FLN), il s’agit alors d’une organisation marxiste-léniniste de type guévariste qui cherche à établir sur le territoire des foyers de guérilleros – des focos – pour être en mesure, le moment venu, de soutenir militairement le soulèvement des masses paysannes et prolétariennes du Mexique. Dès 1985 cependant, suite aux premiers contacts avec des communautés indigènes du Chiapas, l’EZLN commence à remettre en cause sa grille de lecture et ses pratiques marxistes-léninistes, en découvrant d’autres façons de voir le monde et de s’organiser socialement. En fréquentant les communautés indigènes, les guérilleros constatent et expérimentent des sociétés qui s’organisent sans État, autour d’assemblées régulières et souveraines qui pratiquent une forme de démocratie directe « traditionnelle » (laquelle reste toutefois à relativiser, nombre de ces communautés excluant alors les femmes et les enfants des assemblées). La remise en cause est réelle, mais il faudra du temps à ces premiers zapatistes pour vraiment consommer la rupture avec le marxisme-léninisme fondateur. Toujours est-il que, comme le disait le sous-commandant insurgé Marcos, dès ces premiers contacts, l’EZLN se dissout dans les communautés et cesse de se considérer comme l’élément extérieur venu conscientiser les peuples indigènes. La démarche avant-gardiste est donc marginalisée et quand il s’agira d’organiser l’insurrection du 1er janvier 1994, toutes les communautés zapatistes seront consultées pour donner leur avis sur la question.

En moins de dix ans, l’EZLN parvient à organiser plusieurs centaines de communautés, incarnant les espoirs de milliers de paysans indigènes que la suppression de l’article 27 de la Constitution mexicaine [note 1] en 1992 menace d’appauvrir encore davantage. Le 1er janvier 1994, alors que le Mexique s’apprête à signer un accord de libre-échange avec les États-Unis, les zapatistes se soulèvent massivement et s’emparent, armes à la main, de quatre villes du Chiapas, dont San Cristóbal de Las Casas, la « capitale » culturelle (mais pas politique) de l’État. Le lendemain, le 2 janvier, après ces prises essentiellement symboliques, ces nouveaux zapatistes amorcent leur repli dans les montagnes, talonnés par une armée fédérale qui, particulièrement cruelle, fera plusieurs centaines de morts dans les rangs de l’EZLN.

En février 1994, les négociations dites de la cathédrale confirment le cessez-le-feu, mais n’aboutissent à rien d’autre et, l’année suivante, en 1995, l’armée fédérale tentera même, en vain, d’écraser la rébellion. Malgré cela, en 1996, les zapatistes décident de redonner ses chances à la voie institutionnelle et participent aux désormais fameux accords de San Andrés. Ceux-ci, signés par une délégation zapatiste et les autorités mexicaines, reconnaissent aux peuples indigènes le droit à l’autogestion et offrent un certain nombre de garanties à l’exercice de leur autonomie et au respect de leur identité culturelle. Mais, hypocrite et menteur, le gouvernement fédéral empêche la réforme constitutionnelle nécessaire à l’application de ces accords. Pis, non seulement les accords restent lettre morte, mais les autorités mexicaines accentuent également la stratégie dite de contre-insurrection, laquelle consiste à encercler militairement les zones zapatistes et à soutenir et financer des groupes paramilitaires privés pour semer la terreur et réprimer dans la violence la rébellion.

Abandonnant le recours aux armes – pour respecter les volontés de la société civile mexicaine qui, globalement favorable à l’EZLN, s’était néanmoins mobilisée massivement contre la guerre – et les voies institutionnelles – qui ont su faire preuve de leur parfaite inutilité –, les zapatistes décident donc d’appliquer eux-mêmes, sans rien demander à l’État, les accords de San Andrés. Loin de toute logique de conquête du pouvoir politique, ces rebelles aux discours et aux pratiques de plus en plus « libertaires » entreprennent alors de construire, au sein des territoires qu’ils ont libérés au Chiapas, une société authentiquement révolutionnaire qu’ils appellent « autonomie ». Une dynamique qui, d’une certaine façon, était déjà enclenchée, l’EZLN ayant proclamé dès janvier 1994 la création d’une trentaine de communes autonomes rebelles zapatistes, sur la base des officielles ou à partir de regroupements strictement affinitaires.

L’autonomie politique

En vingt ans de lutte et de résistance, et à travers des tâtonnements et des expérimentations pas toujours concluantes, les zapatistes sont parvenus à construire une société en rupture avec le capitalisme et l’État, et ce sur un territoire assez vaste mais pas du tout homogène et malgré les harcèlements récurrents des groupes paramilitaires et la militarisation de la région.

Aujourd’hui, leur autonomie politique s’organise autour de ce qu’ils appellent « trois niveaux de bon gouvernement », qui sont trois échelles, à la fois géographiques et politiques, à travers lesquelles se discutent, se décident et s’exécutent les décisions. Le premier niveau, le plus important, est celui de la communauté, la base de la société zapatiste ; le deuxième est celui de la commune, qui regroupe plusieurs communautés ; le troisième celui du caracol, où siège le conseil de bon gouvernement, qui regroupe les communes d’une même zone. Il y a en tout cinq zones dans le territoire zapatiste, donc cinq caracoles. Chaque niveau de bon gouvernement dispose de ses autorités, lesquelles sont élues en assemblée (communautaire, communale ou de zone [note 2] ) pour des tâches bien précises. Non rémunérées, ces autorités sont aussi révocables à tout moment et régulièrement soumises au contrôle des assemblées. Les décisions, quant à elles, se prennent également lors des assemblées et, lorsqu’elles émanent du conseil de bon gouvernement, elles ne peuvent être prises et exécutées sans être préalablement redescendues, pour consultation et amendement, aux niveaux inférieurs (communes, puis communautés) qui donnent ou non leur accord. Un ascenseur permanent fonctionne donc entre les différents niveaux de bon gouvernement, permettant ainsi une consultation systématique de la base avant l’adoption et l’exécution de toute décision. La « vie politique » se fait donc sur le temps long en territoire zapatiste, mais cette lenteur est pour eux, et à juste titre me semble-t-il, la garantie du respect des volontés de la base et de l’absence de rupture entre « gouvernés » et « gouvernants ». À noter que, contrairement à ce qui prédomine dans beaucoup d’autres communautés indigènes, les assemblées zapatistes sont ouvertes aux enfants et aux femmes, lesquelles peuvent aussi prendre des « charges », à quelque niveau que ce soit. En cela, un gros travail a été fourni par les femmes de l’EZLN, qui ont dû – et doivent toujours dans certains cas – affronter plusieurs siècles de culture patriarcale et de domination coloniale.

Le zapatisme comme révolution sociale

En vingt ans, les zapatistes ne se sont pas contentés de transformer la façon de s’organiser pour prendre et exécuter les décisions, ils ont aussi embrassé d’autres questions primordiales, et notamment celles, sociales, de l’éducation, de la santé et, bien sûr, de l’économie.

Fruits d’une mobilisation permanente considérable, les systèmes de santé et d’éducation autonomes sont aujourd’hui bien aboutis. Et le résultat est assez impressionnant quand on réalise à quel point l’État du Chiapas avait délaissé ces deux secteurs, laissant les communautés indigènes sans réel accès aux hôpitaux et aux écoles. Aujourd’hui, chaque zone du territoire zapatiste dispose d’une clinique centrale (avec plusieurs services médicaux : généraliste, optique, gynécologique, dentaires, analyses médicales, laboratoire de prothèses), chaque commune d’une micro-clinique, et la plupart des communautés d’une « maison de santé ». Élaborée avec le soutien financier et professionnel de plusieurs dizaines de médecins, infirmiers, aides-soignants des sociétés civiles nationale et internationale, cette santé autonome est aussi ouverte aux indigènes non zapatistes qui, dans la région, font toujours face aux carences de l’État en la matière. Au niveau éducatif, il en va de même et, désormais, chaque zone zapatiste dispose d’une école secondaire (cursus de trois ans) et toutes les communautés possèdent une école primaire (ou bien sont rattachées à une communauté accessible en disposant d’une). Les savoirs sont élaborés collectivement, en assemblée, et chaque niveau de bon gouvernement dispose d’un comité d’éducation qui permet de faire le lien et de résoudre les problèmes liés à d’éventuelles inégalités d’accès. Gratuite et accessible aux filles, cette éducation n’a rien d’indigéniste et, loin d’enseigner seulement l’histoire et la culture indigènes, elle ouvre les communautés sur le reste du monde, favorisant l’enseignement de l’espagnol (sans pour autant oublier les langues mayas) et sortant l’histoire du seul cadre chiapanèque. On est loin, là encore, de ce que peuvent porter, en la matière, bien des mouvements de libération nationale qui, du fait des oppressions qu’ils subissent, en viennent à se replier sur eux-mêmes, sur leur identité et leur territoire.

Les zapatistes étant des paysans depuis des décennies [note 3] , la terre est, tout naturellement, au cœur de leur « économie ». Il existe deux façons de travailler et de posséder la terre en territoire autonome, et ce toujours selon le principe : la terre appartient à ceux qui la travaillent. Deux systèmes cohabitent donc : une possession individuelle basée sur une répartition égalitaire des parcelles de terre (desquelles les familles tirent leur propre subsistance) et une possession collective. Cette dernière est au cœur de ce que les zapatistes appellent « travaux collectifs » et qui ne sont rien moins que du collectivisme, puisqu’il s’agit simplement de travailler sur des terres appartenant à l’ensemble d’une communauté, voire d’une commune. Les fruits de ces travaux collectifs peuvent avoir plusieurs destinations sociales : subvenir aux besoins alimentaires des autorités dont la charge (ou « mandat ») nécessite un travail à temps plein qui les empêche de cultiver leurs terres ; subvenir aux besoins alimentaires des familles dont le père – qui, généralement, est celui qui travaille la terre – est décédé (c’est notamment le cas des familles des miliciens et insurgés morts au combat) ; subvenir aux besoins alimentaires de toute une communauté, quand celle-ci est installée sur une terre récupérée (terrain qui appartenait à l’État ou à un propriétaire privé qui ne l’exploitait pas et que les zapatistes ont récupéré pour, eux, le travailler – agriculture ou élevage). Au travail de la terre s’ajoutent aussi l’artisanat et le travail domestique, qu’il ne faudrait pas oublier – d’autant qu’il est ici particulièrement lourd (les tâches ménagères et parentales se conjuguant avec, entre autres, la coupe du bois et le petit élevage – poulets, cochons).

Aujourd’hui, la construction de l’autonomie a permis de sensiblement améliorer le niveau de vie des communautés membres de l’EZLN. Mais, comme les zapatistes aiment à le répéter, rien n’est encore gagné, rien n’est encore pleinement atteint, d’autant que l’autonomie en elle-même réside avant tout dans le chemin qui tend vers elle. En outre, l’EZLN a tout à fait conscience des limites rencontrées par un projet de société qui s’élabore et s’expérimente au sein d’un monde capitaliste duquel il ne peut, de fait, être totalement coupé. En cela, les zapatistes, comme nous d’ailleurs, ne se font pas d’illusion : on ne peut concevoir une société réellement émancipée, réellement autonome, sans s’être au préalable débarrassé du capitalisme et des États, dont les principes, les valeurs et les logiques sont aux antipodes de ceux portés par le projet émancipateur. C’est pourquoi les zapatistes ne se replient pas sur leurs territoires et refusent toute logique autarcique. Loin de prôner l’ »entre-nous », ils impulsent des initiatives nationales et internationales pour créer du lien avec les autres luttes populaires et anticapitalistes, pour faire dialoguer les « dignes rages » et construire un mouvement global. Dans cette logique, les territoires zapatistes s’ouvrent régulièrement au reste du monde et accueillent, fraternellement, des milliers de militants venus d’autres États mexicains et d’autres pays. Pour nous, activistes militants d’ailleurs, il est certes important de participer à ces rencontres et à ces moments de construction collective transnationale, mais il est avant tout primordial de s’investir au sein des luttes sociales qu’exigent nos propres réalités. Le meilleur moyen de soutenir les zapatistes a toujours été de se révolter sous nos propres latitudes contre la domination capitaliste et étatiste.

Par Guillaume Goutte
Groupe Salvador-Seguí de la Fédération anarchiste

Source : http://monde-libertaire.net/?article=LES_REBELLES_ZAPATISTES

Notes :

1 Cet article, élément phare de la réforme agraire issue de la révolution de 1910, rendait impossible la vente des ejidos, des terres appartenant à l’Etat mais dont les communautés indigènes avaient l’usufruit collectif. En le supprimant, les autorités mexicaines ouvrent la porte à une énième privatisation massive des terres communautaires.

2 Les assemblées communautaires regroupent tous les membres d’une communauté ; les assemblées communales regroupent les élus des communes ; les assemblées de zone, les plus grandes, regroupent tous les élus des communautés, des communes et du conseil de bon gouvernement d’une même zone.

3 Certains, avant le soulèvement de 1994, n’ont cependant pas échappé à leur prolétarisation, et ont dû partir dans d’autres Etats faire des petits boulots pour ramener de l’argent dans leur foyer.

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arton4341« Ne vous sentez pas seuls et isolés » – L’appel lancé par le sous-commandant Marcos à l’Europe, en 1995 :

Frères,

Au nom de tous les hommes, femmes, enfants et anciens de l’Armée zapatiste de libération nationale, je vous salue et vous exprime notre désir que les résultats de cette rencontre soient bons.

Nous savons désormais que nous avons des frères et des sœurs d’autres pays et d’autres continents.

Nous sommes frères devant un ordre mondial qui détruit nations et cultures. Le grand criminel international, l’argent, porte aujourd’hui un nom qui reflète l’incapacité du pouvoir à créer de nouvelles choses. Nous subissons aujourd’hui une nouvelle guerre mondiale. C’est une guerre contre tous les peuples, contre l’être humain, la culture et l’histoire. C’est une guerre menée par une poignée de centres financiers sans patrie ni honneur, une guerre internationale : l’argent contre l’humanité. « Néolibéralisme », c’est ainsi qu’on appelle à présent cette internationale de la terreur. Le nouvel ordre économique international a déjà amené plus de mort et de destruction que les grandes guerres mondiales. Nous sommes devenus plus pauvres et plus morts, frères.

Nous sommes frères dans l’insatisfaction, la révolte, l’envie de faire quelque chose, l’anticonformisme. L’histoire qu’écrit le pouvoir nous a appris que nous avions perdu, que le cynisme et le profit étaient des vertus, que l’honnêteté et le sacrifice étaient stupides, que l’individualisme était le nouveau dieu, que l’espérance était une monnaie dévaluée, pas cotée sur les marchés internationaux, sans pouvoir d’achat, sans espérance. Nous n’avons pas appris la leçon. Nous avons été de mauvais élèves. Nous n’avons pas cru que nous enseignait le pouvoir. Nous avons séché les cours quand on apprenait en classe le conformisme et la stupidité. Nous avons été recalés en modernité. Condisciples de rébellion, nous nous sommes trouvés et avons découverts que nous étions frères.

Nous sommes frères par l’imagination, la création, l’avenir. Dans le passé nous n’avons pas seulement vu la défaite, nous avons aussi trouvé le désir de justice et le rêve de devenir meilleurs. Nous avons laissé le scepticisme au portemanteau du grand capital et découvert que nous pouvions croire, qu’il valait la peine de croire, que nous devions croire… en nous-mêmes.

Nous avons appris que les solitudes qui s’additionnent peuvent devenir non pas une grande solitude, mais un collectif qui se trouve et qui fraternise par-delà les nationalités, les langues, les cultures, les races et les sexes.

Nous, zapatistes, sommes toujours dans les montagnes du Sud-Est mexicain, toujours assiégés, toujours poursuivis, toujours avec la mort pendue à chaque mouvement, à chaque respiration, à chaque pas. Le gouvernement est toujours dans son palais, il continue d’assiéger, de pourchasser, d’offrir la mort et la misère, il continue de mentir.

Plus d’un million de Mexicains ont manifesté lors d’un exercice démocratique sans précédent au Mexique leur adhésion à nos principales revendications. Beaucoup de frères à l’étranger les ont ratifiées. Le gouvernement reste sourd. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes se sont mobilisés pour appuyer la Consultation nationale pour la paix et la démocratie. Le gouvernement reste aveugle. La faim et les maladies étranglent les communautés entières. L’armée fédérale intensifie ses actions militaires et les préparatifs de l’assassinat. Les partis politiques refusent de reconnaître la citoyenneté des indigènes. Les médias se font les complices du mensonge et du silence. Le désespoir et la rancœur deviennent un patrimoine national. On nous ignore, on nous méprise, on nous oublie.

C’est une évidence, la victoire est plus proche que jamais. Nous nous préparons d’ores et déjà à former les Groupes de solidarité avec la lutte de vos pays respectifs. Soyez sûrs que nous vous soutiendrons jusqu’au bout (qui n’est pas forcément la victoire) et que nous ne vous abandonnerons pas. Ne vous laissez pas abattre par les difficultés et résistez. Vous devez continuer et savoir que, dans les montagnes du Sud-Est mexicain, il existe un cœur collectif qui est avec vous et qui vous soutient. Ne vous sentez pas seuls et isolés. Nous restons à votre écoute et ne vous oublions pas.

Voilà. Salut et n’oubliez pas que les fleurs, comme les espérances, se cultivent.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.
Sous-commandant insurgé Marcos.

Texte intitulé « Des zapatistes du Mexique aux zapatistes européens », 28 août 1995, tiré de Ya Basta !, tome 2, aux éditions Dagorno (1996).

Source : http://www.revue-ballast.fr/ne-vous-sentez-pas-seuls-et-isoles-par-le-sous-commandant-marcos/

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Toujours sur le même sujet, lire aussi l’entretien de Guillaume Goutte par Ballast : http://www.revue-ballast.fr/guillaume-goutte-la-lutte-zapatiste/

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Revenu de base ou salaire à vie ?

L’idée d’établir un « revenu de base » (appelé aussi « revenu inconditionnel », « dotation inconditionnelle d’autonomie », etc.) est loin de faire l’unanimité parmi ceux qui aspirent et travaillent à un changement de société. Dans une tribune publiée sur sa page Facebook et que nous retranscrivons ci-dessous, Franck Lepage démonte avec virulence ce qui est pour lui un traquenard et une régression, et lui oppose le potentiel révolutionnaire du « salaire à vie«  (l’idée défendue par l’économiste Bernard Friot)…

Tempête de commentaires sur ma « saleté de revenu de base », dont Véronique dit « qu’elle s’en contenterait bien »…et C’est bien ça le problème véronique : Des tas de gens fatigués de se battre sont prêts à « s’en contenter » et le patronat sabre le champagne…si des milliers de « décroissants » sont prêts à se contenter de 800 euros, le rêve de la classe dominante est atteint. Plus besoin pour eux de verser et d’augmenter des salaires, et plus besoin de payer la protection sociale. (c’est même ça l’astuce du revenu de base) Ils peuvent tout garder et que tout le monde se débrouille avec ses 800 euros. Le revenu de base (pris sur l’impôt) c’est le droit enfin obtenu pour les possédants de se débarrasser du salaire. Et surtout ce ne sont plus les entreprises qui financent la protection sociale. Chacun se débrouille. Et n’oubliez surtout pas la suppression des retraites dans ce projet. youp là là !

Notre salaire, c’est à dire le salaire direct (à nous) et le salaire indirect (aux autres, sous forme de cotisations) est un conquête considérable et géniale. Ne raisonnons pas avec un siècle de retard : Ce qui était l’instrument de notre aliénation au 19ème siècle (le salaire comme juste de quoi ne pas crever) est devenu l’instrument de notre pouvoir quand nous avons forcé la classe possédante à verser du salaire pour des chômeurs, des malades, des retraités, et toute la fonction publique hospitalière). ça s’appelle les cotisations. Quand vous gagnez 1.500 euros, votre salaire est en réalité de 3.000 euros.

Permettre le revenu de base c’est permettre aux patrons de tout garder en profit et de ne plus payer les cotisations. Ni les salaires. Vous aurez déjà 800, mais vous devrez continuer à aller trimer dans des emplois parce que ce ne sera pas assez pour vivre en ville normalement. Comme vous aurez déjà 800 le patron pourra baisser ce qu’il vous verse actuellement. De leur côté, deux ou trois décroissants vous diront que vous n’avez qu’à pas vivre en ville ! « Les citoyens qui souhaitent avoir un niveau de vie plus élevé pourront bien sûr compléter ce revenu de base en étant salarié, artisan ou entrepreneur. Ce salaire universel remplacera toutes les aides sociales existantes, y compris les retraites de base. » (voir article plus bas)

Le salaire à vie, à l’inverse, c’est 2500 euros dès l’âge de 18 ans et jusqu’à la mort, avec possibilité d’augmentations en qualification sur une échelle de 1 à 4, ou de 1 à 6. (on plafonne le salaire maximum à 6 fois cette somme)r

Vous la voyez la différence entre gagner 2500 euros dès 18 ans ou crever avec 800 euros à 40 ans ? ça change tout. Vous n’êtes plus obligés de vous employer dans des boulots crétins, et les boulots crétins disparaissent. Ce qui suppose la deuxième condition : la co-propriété d’usage des entreprises. On se débarrasse des propriétaires, on n’en a plus besoin. Le modèle coopératif se met en place. Nous décidons de quoi, pourquoi et comment produire.

Si vous trouvez que 2500 € c’est utopique, sachez qu’en francs constants, un jeune qui s’engage sur le marché du travail aujourd’hui s’embauche à exactement 50 % (la moitié) du salaire qu’il avait dans les années 70. (en francs constants) Par exemple si vous arrivez à décrocher un CDI à 1.500 euros et que vous êtes content, vous auriez eu 3.000 euros dans les années 70. Si cela vous paraît exorbitant, et si vous trouvez que 1500 euros est un bon salaire, alors vous êtes mûr pour accepter le revenu de base et aller faire du purin d’ortie entre décroissants en laissant les autres s’occuper de la lutte des classes à votre place dans les villes ! (je m’énerve).

Le salaire à vie, (c’est déjà le cas pour plus de 50 % de la population) je ne vous dis pas que ça va se faire en quelques années, ça prendra du temps, comme toutes les luttes sociales. Je suis en train de vous dire que c’est l’horizon pour la gauche. Que c’est cela qu’il faut savoir défendre et argumenter. Raison de plus pour se familiariser avec l’idée, avec la revendication, et commencer par arrêter de revendiquer cette saleté de revenu de base qui est un retour au moyen âge. Et un méga piège à cons, (avec retour probable des femmes à la maison en prime !!!). Le seul horizon pour la gauche : Prolonger les conquêtes de 1945 quand la classe ouvrière et la CGT étaient révolutionnaires et qu’ils avaient commencé d’imposer le salaire à vie pour les retraités, les fonctionnaires, les malades et les chômeurs. Demandons la même chose pour les jeunes dès 18 ans. Financièrement cela ne pose aucun problème. il faut augmenter les charges sociales jusqu’à la totalité du salaire ! Le problème de la classe dominante ce n’est pas son argent, ce ne sont pas ses « sous »…elle s’en fout… c’est son pouvoir. Elle est prête à nous filer 800 euros pour qu’on la ferme et que tous les contestataires potentiels du capitalisme se reconvertissent chez les colibris plutôt que de prendre le pouvoir

Allez voir du côté de réseau salariat, familiarisez vous avec cette hypothèse, visionnez des vidéos de Bernard Friot, apprenez à déjouer l’arnaque du revenu de base….ou alors un revenu de base à 2.500 euros…tiens tiens…y a plus personne ? La notion de « Revenu minimal d’existence » trahit l’obscénité même du projet quasi – fasciste de la classe dominante : nous confiner à une existence minimum. Je ne sais pas pourquoi je m’énerve

Je vous mets un ou deux liens :

http://www.cspinyourface.com/…/pourquoi-le-revenu-de-base-c…

http://geopolis.francetvinfo.fr/la-finlande-prete-a-experim…

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Pour continuer le débat, cet article du Réseau Salariat : « Revenu inconditionnel ou salaire à vie ? »

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Pour en finir avec l’emploi

voiture travailPar Vincent Liegey

Tous les les jours, les chômeurs sont stigmatisés : « Ces assistés », « ces profiteurs », « ces salauds de chômeurs » qui « ne veulent pas travailler ». Il faudrait toujours plus les contrôler, les surveiller.

Surtout, il faudrait qu’ils participent à la relance de la croissance, à ce grand effort productif… mais en se précarisant toujours plus… Pour produire toujours plus, faire tourner la mégamachine et relancer la sacro-sainte croissance si possible « verte »… et enrichir toujours plus l’oligarchie ?!

Travailler, d’accord, mais à quoi ?

Mais, au fait, quel sens ont nos emplois ? Qu’est-ce qu’on produit ? Pour quel usage ?

Déjà, certains emplois s’inscrivent dans la logique destructrice du système et se révèlent donc néfastes et toxiques. C’est le cas notamment des emplois du complexe militaro-industriel (160 000 emplois et un chiffre d’affaire annuel de 15 milliards d’euros en France) ; de la publicité : outil de colonisation de nos imaginaires, d’aliénation et d’abrutissement afin de créer constamment de nouveaux besoins, du désir et de la frustration en gâchant créativité et talents de nos congénères (150 000 emplois et 30 milliards de chiffre d’affaire annuel) ; des lobbyistes (plusieurs dizaines de milliers d’emplois à Bruxelles par exemple) ; des emplois reliés à l’obsolescence programmée, aux emballages, mais n’oublions pas également les emplois liés au monde de la finance, des banques, des assurances, des nouvelles technologies (extrêmement énergivores), du transport (routier ou aérien pour prendre les plus polluants) et puis, et puis…

En fait, à bien y regarder, plus on réfléchit, plus la liste s’allonge. Allez, un dernier exemple avec les « bullshit jobs » que l’on pourrait supprimer en particulier en simplifiant nos systèmes bureaucratiques de flicage !

Tout cela représente des millions d’emplois, des centaines de millions d’heures gâchées… et, au final, du mal-être, le mal-être d’être contraint à ce travail et peu importe les conséquences.

« Oui, mais eux, ils bossent… contrairement aux assistés ! »

« Et tout travail mérite salaire pour les homo-economicus que nous sommes ! » « Et eux, ils contribuent à faire gonfler notre salvateur PIB »… Et bien non, ce n’est pas si simple, une grande partie des tâches effectuées dans nos sociétés se font à l’extérieur de la sphère marchande.

Nos imaginaires économicistes nous empêchent de voir cette autre réalité : les tâches ménagères, le bénévolat, les loisirs, l’économie de réciprocité… et encore plus tout ce qui a du sens, apporte bien-être dans une logique de gratuité [11] et bien loin de ces calculs comptables mortifères : l’amour, l’amitié, la solidarité, la convivialité… Au final, les prémices d’une société du buen vivir.

Travailler moins pour vivre mieux

C’est les questions qui nous animent avec notre slogan provocateur la Décroissance. Déconstruire ces mythes : du travail pour le travail, du productivisme, de l’économicisme, de la compétition et des frustrations créées par les médias sur les soi-disant assistés, en négligeant l’évasion fiscale (plusieurs dizaines de milliards par an en France !) et des inégalités de plus en plus criantes.

Ne devrions-nous pas dire « salauds de riches » dans une grande majorité plutôt que de se retrouver diviser. Enfin, c’est tellement plus simple pour régner : l’oligarchie semble avoir de beaux jours devant elle.

La Décroissance, c’est faire ces pas de côté en questionnant nos productions : leurs conditions, leurs utilités ou encore l’usage des produits.

Au vu de la liste ci-dessus, nous pourrions nous dire que l’on pourrait travailler moins en produisant moins de saloperies inutiles, en produisant local, durable et réparable mais aussi en partageant, en coopérant, en vivant ensemble plutôt que dans nos bulles individuelles en compétition les unes avec les autres.

Bien sûr l’enjeu n’est pas de culpabiliser, encore moins de montrer d’un doigt moralisateur les un-e-s et les autres, d’autant plus que ces emplois sont contraints par l’économie, on est pris dans un système : travaille, emprunte, consomme, obéis, travaille ! L’enjeu est bel et bien d’ouvrir le débat sur le sens de nos activités. Et de voir comment se les réapproprier.

Small is beautiful

Un autre enjeu de la Décroissance est de réfléchir à une société d’abondance frugale soutenable. Une société de low tech et aussi de tâches manuelles à partager mais surtout à concevoir pour les rendre les moins dures possibles. C’est ce qui est expérimenté par exemple avec les nouvelles méthodes pour produire de la nourriture saine de proximité de manière soutenable comme la permaculture, l’agroécologie et l’agroforesterie.

La Décroissance, c’est aussi penser aux transitions : comment sortir de l’impasse de la société de croissance, comment se désintoxiquer de toutes nos dépendances techniques, de nos esclaves énergétiques, étape par étape, de manières démocratiques et sereines.

La transition est en marche, et en s’appuyant sur ces alternatives, elle expérimente ce qui pourrait être demain des sociétés d’a-croissance.

Mais cela n’est pas suffisant, c’est pourquoi, dans « Un Projet de Décroissance » nous proposons des pistes de réflexions, des débats autour d’outils économiques et sociaux susceptibles de nous sortir de l’emploi pour l’emploi pour créer des sociétés d’activités choisies.

L’urgence de ralentir

Tout d’abord, nous proposons la logique de travailler toutes et tous pour travailler moins. On pourrait imaginer la mise en place de mesures décentralisées ouvrant la porte à la liberté de choisir de travailler moins : droit opposable au temps partiel, aux congés sabbatiques, plateforme d’échange et de mise en partage de projets, de temps de travail… Moins de « bullshit jobs » pour plus d’activités qui ont un sens, pour une plus grande participation à cette transition qui est belle et bien en marche… pour une réappropriation de l’autonomie !

Aussi dans une logique de transition, on peut imaginer une série de loi privilégiant la relocalisation de nos productions et sanctionnant ce qui n’est pas souhaitable : baisse drastique des budgets militaires, obsolescence programmée sanctionnée, encadrement stricte de la publicité, mise en place de taxations progressives sur l’emballage, les transports inutiles, les gadgets avec bien sûr des projets d’accompagnement et de reconversion.

Enfin, une autre piste intéressante : la mise en place d’un revenu de base suffisant afin de découpler notre survie économique d’un emploi imposé. Une première étape pourrait être le remplacement du RSA qui dysfonctionne et stigmatise les « assistés » par un revenu de base inconditionnel, individuel et pour tout le monde. Ce revenu serait couplé à la mise en place progressive d’un revenu maximum acceptable et aussi à la sortie de la religion de l’économie à travers la réappropriation démocratique des banques centrales, de la création monétaire et une réflexion sur le non remboursement des dettes publiques illégitimes.

Le revenu de base face aux défauts du RSA :

https://www.youtube.com/watch?v=z9N0v4UGFHo

De même, en s’appuyant sur l’extension des alternatives concrètes, des gratuités, on pourrait imaginer de démonétariser le revenu de base étape par étape et tendre vers ce que nous appelons une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie.

Ces mesures demandent du courage politique… mais aussi une décolonisation de nos imaginaires travaillistes afin de voir le monde de manière beaucoup plus large, de remettre l’économie et une vision comptable de la vie à leur place et de sortir de la centralité de la valeur travail !

Vive la fin de l’emploi pour ré-enchanter nos activités, avec la tête, les mains et du temps libre librement choisi.

Source : http://www.reporterre.net/CHRONIQUE-Et-si-on-imaginait-la

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Lire aussi : la critique du revenu de base par Franck Lepage

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On ne transformera pas le monde sans remettre en question le pouvoir lui-même

23_terres_de_luttes_film_JE_LUTTE_DONC_JE_SUIS_youlountasLa démocratie est la préhistoire de l’anarchie – Entretien avec Yannis Youlountas

Après Ne vivons plus comme des esclaves en 2013, Yannis Youlountas vient de sortir un nouveau film : Je lutte donc je suis.
Une ode à la résistance et à l’insoumission qui se déroule à nouveau en Grèce, mais aussi, cette fois, en Espagne. Un voyage en musique dans les alternatives concrètes, autogestionnaires et libertaires qui rappelle que l’utopie est déjà là, à portée de main. Une invitation à rompre avec la routine et l’obéissance, les idées reçues et une existence dépossédée d’elle-même : comme le dit l’un des personnages de son nouveau film, « Je lutte parce que je pense que l’humanité est capable d’autre chose. »

Le Monde Libertaire : Tu as commencé à tourner ton film avant l’élection de Tsipras, puis pendant son revirement. Qu’a révélé, selon toi, la trahison de Tsipras ?

Yannis Youlountas : Ce n’est malheureusement pas nouveau. La malédiction du pouvoir frappe la gauche depuis 150 ans. Les militants et sympathisants de ces partis se sentent trahis à chaque fois. A peine arrivés au sommet, à l’instar de Sisyphe avec son rocher, le pouvoir leur échappe aussitôt. C’est pourquoi je les surnomme souvent du nom de ce personnage mythique. Pire encore : ce sortilège les frappe sans que la plupart n’essaie vraiment de l’élucider, croyant à chaque fois qu’il s’agit d’un problème de casting. Durant le vingtième siècle, cette confiscation du pouvoir s’est manifestée sous deux formes principales : la dérive totalitaire et la trahison bourgeoise. Tsipras vient d’ajouter un exemple de plus à la deuxième catégorie, 24 ans après le programme commun de la gauche en France. Le 13 juillet 2015 restera à jamais comme l’une des trahisons les plus spectaculaires de l’histoire de la gauche en Europe, l’une des pires expériences de cette répétition, de ce piège, de cette impuissance.

ML : Tu es souvent invité par des associations ou des organisations de gauche avec ton nouveau film. Que répondent-elles à ta critique ?

YY : Ma métaphore de Sisyphe à leur égard est irréfutable. Les exemples sont flagrants, nombreux et le dernier en date leur fait encore mal au ventre. C’est donc le moment de poser les bonnes questions, dans le respect et la franchise. En l’occurrence, la priorité n’est pas seulement d’établir un « plan B », très à la mode ces temps-ci, mais beaucoup plus de repenser l’organisation, le dispositif, les moyens réels de changer de politique. Sans remettre en question le pouvoir lui-même, la malédiction continuera. Parfois, certains de mes amis de gauche dite « radicale » tentent de me contredire en évoquant les congés payés et la sécurité sociale. Lourde erreur : les congés payés n’ont pas été donnés par Blum, mais arrachés par la puissante grève générale de juin 1936. De même, si le programme social du Conseil National de la Résistance a pu être mis en place à la fin de la guerre, c’est d’abord parce que des ouvriers avaient encore les armes de la Résistance dans les mains, alors qu’une grande partie du patronat avait collaboré. Bref, il s’agit de conquêtes sociales, pas d’autre chose. Le problème n’est donc pas seulement de concevoir des alternatives, quelles qu’elles soient, mais aussi et surtout de se donner les moyens de les mettre en œuvre.

ML : Dans un tel contexte, pourquoi les anarchistes n’arrivent-ils pas plus à se faire entendre ?

YY : Les procédés utilisés dans nos réseaux ne sont probablement pas toujours les meilleurs. Ce n’est pas parce qu’on détient la solution à un problème et qu’on est expérimenté dans ce domaine, qu’on arrive pour autant à se faire entendre. Prenons l’exemple de l’école : le prof le plus savant et intelligent n’est pas toujours le meilleur passeur de savoir, le plus fin pédagogue, à l’écoute et patient. Il n’y a rien de pire que d’humilier ceux qui échouent. C’est dommage, parce qu’à mon avis, il n’y a pas de meilleurs spécialistes du sujet que mes compagnons anarchistes. Mais ils sont, eux aussi, frappés par une autre forme de malédiction : celle de Cassandre qui n’arrive pas à se faire entendre. Le pouvoir se régale de nous voir nous marginaliser au lieu de diffuser nos solutions plus largement et plus efficacement. Il se gausse de nos vieilles querelles, de nos clans, de nos mauvaises habitudes. Il s’amuse de voir les Sisyphe impuissants, les Cassandre inaudibles et les jardiniers isolés. Les jardiniers sont la troisième composante du mouvement social et révolutionnaire. Ils essaient d’appliquer la devise de Gandhi : « sois le changement que tu désires dans le monde », mais ils oublient que se transformer soi-même ne suffit pas à transformer globalement et radicalement ledit monde. Certes, ces jardiniers cultivent avec application leur espace expérimental, mais délaissent les autres formes de résistance sans lesquelles toute création est condamnée à être piétinée tôt ou tard. Que nous le voulions ou pas, nos luttes sont liées, il n’y a pas d’exil possible, pas d’autre monde qui serait totalement à part de celui-là. Nous sommes tous sur le même bateau face à la bourgeoisie mondiale et à ses serviteurs dévoués, face au capitalisme et à sa foule de larbins, face au pouvoir et à sa police. Pour riposter, nous n’avons pas d’autre choix que de multiplier les assemblées et d’occuper la rue, la vie, le monde. Il n’y a pas d’autre cap vers l’utopie que la résistance, l’agora, l’éducation populaire et la création artistique sous toutes ses formes, c’est-à-dire l’action radicale sur l’imaginaire social que nous devons absolument décoloniser. C’est la première condition de notre émancipation, de notre riposte, de notre réinvention du monde : reprendre le contrôle de nos savoirs, de nos pensées, pour reprendre le contrôle de nos vies. La dimension symbolique de la lutte est aussi importante que son impact immédiat, même le plus vital. Car c’est d’abord elle qui trouble notre entourage et l’incite à nous rejoindre, notamment dans les chansons, les films, les livres, les rencontres, les débats qui suscitent, accompagnent ou interprètent les événements. Nous ne sommes pas que le produit de la nécessité, tête baissée dans le sillon d’un destin tout tracé. Nous sommes également capables de repenser et de réinventer ce monde injuste et illusoire, bâti sur du vent. Le temps critique est aussi le temps de la critique. Le temps de la remise en question. Le temps de la remise en mouvement. Nous ne sommes pas condamnés à rester dans la préhistoire politique de l’humanité.

ML : C’est ainsi que tu qualifies le système politique actuel ?

YY : Oui, la démocratie est la préhistoire de l’anarchie. La démocratie sous toutes ses formes, variantes et déclinaisons. C’est un balbutiement, un germe, un mythe. Mais on est encore loin du compte. La démocratie annonce un objectif d’égalité qu’elle est incapable d’atteindre. Depuis 2500 ans, elle ne parvient pas à lâcher la branche qui la sépare de la plaine où l’être humain se redressera politiquement pour vivre et penser la société debout, à l’égal d’autrui. La démocratie reste à l’orée du bois, au rai de lumière, au chaud dans le décorum à peine modifié de l’Ancien Régime. On est encore loin de la liberté véritable, de l’égalité réelle et de la fraternité universelle. Et ce, parce qu’il reste une chaîne à briser, un cordon ombilical à couper, une branche à lâcher pour marcher ensemble debout. C’est le pouvoir. Tant que le système politique ne sera pas débarrassé de ce fléau, il continuera à singer les mêmes grimaces au-dessus des foules infantilisées et instrumentalisées. Nous sommes encore à l’âge de pierre de la politique, mais rien n’est terminé.

ML : Et la démocratie sous d’autres formes, en particulier la démocratie directe ? Penses-tu qu’il faille abandonner définitivement le mot démocratie ?

YY : C’est délicat. Tout d’abord, il est nécessaire de distinguer la question sémantique de la question stratégique. Le problème du mot démocratie réside dans l’opposition entre les notions qu’il contient. Accoler demos et kratos, peuple et pouvoir, c’est présupposer la possibilité d’une égalité absolue de tous devant le pouvoir sans prendre en compte la complexité dudit pouvoir dans la société, en l’occurrence son omniprésence dans tous les rapports de domination qui traversent nos relations et dont nous nous n’avons pas toujours conscience. C’est également occulter la fascination humaine pour le pouvoir et sa capacité à corrompre, à détourner, à retourner n’importe qui. Un problème qui connaît son paroxysme avec les hyperstructures, notamment la toute puissance de l’État. Bref, depuis l’antiquité, la démocratie est une belle idée, mais elle occulte la réalité humaine, ses affres, son passif et la nécessité d’en tenir compte. La démocratie est certes une idée simple, du moins en apparence, mais également simpliste à l’instar du procédé de Rousseau qui, dans Le contrat social, croit réussir à articuler la volonté générale et la liberté de chacun, alors que la relation entre une majorité et une minorité reste un rapport de pouvoir comme tant d’autres, de même que toutes les formes de délégations, quels que soient les éléments modérateurs inclus dans le dispositif. Le cœur du problème réside donc dans le pouvoir et nulle part ailleurs. Le pouvoir a deux sens bien distincts qui s’opposent précisément ici : le pouvoir en tant que capacité et le pouvoir en tant que rapport de domination. Des Athéniens à Rousseau, tous les concepteurs de la démocratie, même les plus sympathiques à nos yeux, ont cru une telle articulation possible. Pour ma part, il me semble que c’est une erreur : le pouvoir n’est pas à réorganiser autrement, il est à détruire. Il en va de notre capacité à penser et à choisir la vie. Car le pouvoir en tant que capacité s’oppose fondamentalement au pouvoir en tant que rapport de domination. La liberté ne se donne pas, elle se prend et ne s’échange pas contre une quelconque volonté générale. Cela dit, concernant l’aspect stratégique, je reconnais que la démocratie directe propose déjà un grand pas hors de la jungle des rapports de domination, une étape essentielle vers l’utopie. C’est pourquoi je soutiens cette voie. Elle contient également l’avantage de conserver ce mot le temps nécessaire à sa désacralisation. Mais quand la démocratie ne sera plus confondue avec la liberté, il sera temps d’oser l’Anarchie, comme nous le faisons déjà dans de nombreuses expériences qui fonctionnent parfaitement et qui prouvent notre capacité à vivre ensemble autrement.

ML : Dans ton nouveau film, Je lutte donc je suis, on peut voir des personnes qui luttent, qui expérimentent d’autres formes d’organisation. Peut-on parler d’expérimentations démocratiques ou bien anarchistes ?

YY : Les deux. Je ne veux surtout pas imposer une marche à suivre à mes spectateurs dont je respecte la diversité. Je suggère uniquement un cap et j’évoque toutes sortes de façons d’avancer vers lui, chacun à son rythme, par-delà nos différences. Je suis convaincu que cette diversité est une chance. Peu importe si la démocratie participative de Marinaleda ne va pas aussi loin que l’expérience de démocratie directe des occupations de Sanlucar ou, mieux encore, l’assemblée libertaire d’Exarcheia. Tout ce qui va dans le bon sens est le bienvenu et sert de point de repère pour chercher, comparer, corriger et continuer à avancer vers l’utopie. Il est indispensable de partir de ce que savent, pensent et désirent les gens qui nous entourent. De plus, je me méfie des jugements de valeur sur la radicalité des opinions des uns et des autres, car les actes contredisent parfois les étiquettes hâtivement apposées sur eux. Je connais un homme de gauche, à l’apparence modérée, qui s’est fait saisir sa petite maison en fauchant des OGM et un autre, qui se revendique libertaire, qui n’a jamais fait autre chose que de lire Bakounine, en pantoufles au coin du feu, sans jamais éprouver la radicalité de ses lectures au-delà de quelques conversations intéressantes, mais sans lendemain. Ne jugeons pas trop vite ceux qui composent avec nous le mouvement social et révolutionnaire et méfions-nous des étiquettes. Laissons cette fabrique de préjugés aux fascistes.

ML : Des fascistes qui, en ce moment, se prévalent de la démocratie. Marine Le Pen prétend « redonner le pouvoir au peuple » et Étienne Chouard, admirateur de Soral, évoque « la vraie démocratie » par le tirage au sort en affirmant que « depuis 200 ans les riches gouvernent et [que] durant 200 ans, durant l’Athènes classique, les pauvres ont gouverné ». La Grèce antique est d’ailleurs une référence majeure dans toute l’extrême-droite.

YY : Oui, de l’Institut Iliade au Cercle Aristote et du G.R.E.C.E. à la nouvelle Acropole, les cercles de réflexion de l’extrême-droite se sont toujours servis du prétendu « miracle grec » pour occulter l’origine africaine de l’humanité. Leur mythe du génie grec antique est un contresens complet des causes réelles de cette époque inventive. Les Grecs étaient des voyageurs, des marchands qui commerçaient avec de nombreuses cités du pourtour de la Méditerranée et les chercheurs parmi eux étaient partis jusqu’à Babylone ou en Egypte pour rassembler les savoirs de leur temps. Cet essor n’a donc rien de miraculeux : il est le produit du métissage, de la rencontre, à l’inverse du repli sur soi professé par l’extrême-droite. Quant aux mensonges d’Étienne Chouard, il est suspect d’évoquer très précisément 200 ans de gouvernance des riches, comme si c’était mieux sous l’Ancien Régime vanté par son amie royaliste Marion Sigaut. Il est également suspect de citer presque exclusivement la Grèce antique en occultant bizarrement la Commune de Paris, l’Espagne de 1936 ou encore Exarcheia aujourd’hui. D’autant plus que durant 200 ans, dans l’Athènes classique, les pauvres n’ont jamais gouverné. Absolument jamais. Les nombreux esclaves, métèques, femmes et jeunes n’ont jamais cessé d’être maltraités en tant que prolétaires, comme toujours. Même un enfant de cours élémentaire, en faisant une simple addition, peut contredire ce genre de mensonges et démasquer leur auteur.

ML : Et le tirage au sort, qu’en penses-tu ?

YY : C’est un outil comme un autre, un recours possible dans certaines circonstances, mais en aucun cas une solution magique. Toute la marche de l’humanité est une marche contre le sort. Devenir humain, c’est désobéir. Désobéir à tout, y compris au hasard. Désobéir aux évidences, de l’étonnement socratique au doute cartésien. Désobéir au hasard et à la nécessité en bouleversant l’équation de la science au point de lui ajouter une nouvelle variable : la raison universelle. Désobéir à l’instinct, par-delà la détermination de la nature, et désobéir à la croyance et à l’opinion, par-delà la détermination de la culture d’origine. Devenir humain, c’est désobéir à tout, y compris au hasard. C’est oser choisir et assumer sa liberté et sa responsabilité, au lieu de laisser décider le sort. Faire société, au sens le plus élevé, c’est conjuguer nos capacités à désobéir, penser, choisir et construire ensemble. Et non pas obéir et nous en remettre à une entité supérieure quelle qu’elle soit : ni dieu ni César ni hasard. Le sort est justement ce contre quoi s’élève depuis toujours l’humanité. Au-delà de la préhistoire politique, des chimères et des ombres, il y a l’horizon, la liberté, l’égalité. Il y a l’utopie. Il y a l’Anarchie.

Propos recueillis par
Dominique Lestrat,
Groupe Kropotkine
Fédération Anarchiste

Source : https://blogs.mediapart.fr/le-monde-libertaire/blog/030216/la-democratie-est-la-prehistoire-de-lanarchie-entretien-avec-yannis-youlountas